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La fondation de Saint-Guillaume

Lorsque les bâtisseurs posèrent, en 1300, semble-t-il, la première pierre de l’édifice qui devint l’église Saint-Guillaume, l’histoire de Strasbourg était à la croisée des chemins. La noblesse gardait encore le pouvoir de l’administration temporelle de la ville qui allait cependant rapidement changer de main et passer à la bourgeoisie. Frédéric 1er de Lichtenberg venait de succéder, en 1299, à Conrad III de Lichtenberg à la tête de l’évêché de Strasbourg qui comprenait alors les parties moyennes de l’Alsace et du pays de Bade actuels. Les pouvoirs de l’évêque, déjà, s’étaient trouvés réduits depuis quelque temps. La ville «libre» ne demandait qu’à surgir.

L’édification de l’église Saint-Guillaume est liée à la destinée de Heinrich von Müllenheim (décédé en 1337), et de sa famille. C’est l’opinion la plus couramment admise. Une autre hypothèse voudrait que la fondation de l’église serait le fait des landgraves von Werd - hypothèse appuyée sur la présence, dans le choeur de l’église, des pierres tombales des de Werd datant de 1332 et 1334.

Les Müllenheim étaient alors une famille patricienne influente. Le chevalier Heinrich von Müllenheim ayant accompagné Saint-Louis lors de la dernière croisade qui se termina à Tunis sans atteindre son objectif, du fait de la peste et de la mort du roi, fit le voeu, dit-on, d’édifier une église s’il en revenait sain et sauf.

Du 13ème au 17ème siècle, plusieurs von Müllenheim avaient revêtu les fonctions de «Stettmeister» de Strasbourg, fonction attribuée à la noblesse. Nous trouvons, en 1324, une mention de Heinrich dans la fonction de stettmeistre, mais il semblerait l’avoir revêtue trois ou quatre fois. Il était par ailleurs collecteur de la dîme épiscopale auprès des bateliers et, à ce titre l’entretien des ponts lui incombait. Il habitait alors «zum Hahn» à l’angle de la rue Madeleine, le jardin touchait le mur d’enceinte de la ville. Henri de Mullenheim et sa famille, en faisant construire l’église, présentèrent une sorte d’offrande - pour le salut de leurs âmes certes, mais aussi en guise de remerciement pour ceux de la famille qui étaient revenus indemnes des croisades. L’ancien Strasbourg comptait alors neuf églises, vingt monastères, et 180 chapelles. On doit aux Mullenheim, outre Saint- Guillaume, le prieuré de la Toussaint et la chapelle Saint-Jacques de l’église Saint-Pierre-le-Jeune. Selon Robert Will, la fondation de l’église daterait de 1300, année du premier jubilé institué par le pape Boniface VIII. Elle fut achevée, semble-t-il, vers 1307.

Ces dates ne sont pas de l’ordre de certitudes historiques absolues. Elles sont évoquées par des chroniques postérieures. La mention de 1301 comme date de la consécration de l’église et le cloître est avancée l’historien Lucien Pfleger pour prouver que l’église était destinée, dès sa fondation aux moines de l’ordre des Guillemites de Marienthal (ou Wilhelmites) qui avaient d’abord cherché accueil à l’église Saint-Etienne.

Julien Louis estime que «dès 1302 l’église est accordée aux Guillemites, jusqu’alors absents de Strasbourg, et est achevée peu après, en 1306 ou 1307». Victor Beyer, sans indiquer de date quant à la fondation, indique que le choeur était construit vers 1300 et que l’église se trouva achevée vers 1307.

L’église fut construite «hors les murs» de Strasbourg, à la lisière des champs de la Krutenau, en zone marécageuse. Pour l’essentiel, le bâtiment était tel que nous le connaissons aujourd’hui. Il ne comportait pas de clocher mais, au- dessus du choeur, un clocheton couvert de bardeaux. La façade se présentait en un triple pignon. Un choeur aux grandes baies, plus lumineux que l’espace actuel de la «chapelle», était orné très tôt de vitraux - il en reste un, mis en valeur sur la façade ouest.

Très vite, l’église devint celle de la paroisse des bateliers. Les fonctions de responsable des ponts et collecteur de la dîme fluviale de Henri de Mullenheim et l’importance que prirent les corporations dans la gestion de la ville favorisèrent certainement cette affectation qui marqua l’histoire de la paroisse jusqu’au début du 20ème siècle - elle se trouve rappelée par le symbole de l’ancre au sommet du clocher d’aujourd’hui. Ce n’est que 38 ans après sa fondation que l’église fut consacrée à Saint-Guillaume. Mais qui donc était Saint-Guillaume ? Ou les Guillaume ?

par Ernest Winstein

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