Les deux Guillaume
Les esprits se partagent sur la question de savoir si le fondateur de l’ordre des «Wilhelmites» est Guillaume de Malavalle, ou Guillaume d’Aquitaine. Déjà les deux versions sont présentes dans les vitraux nord de l’église. On pense que le choix pour Guillaume d’Aquitaine tient à l’auréole qui revint à cette famille dans l’histoire.
Guillaume de Malavalle
Le fondateur de l’ordre des wilhelmites ou guillemites serait-il l’ermite Guglielmo (le nom d’origine germanique signifie volonté et protection) «le Grand», de Malavalle, du nom du lieu en Toscane en Italie, où il s’établit pour y fonder un ermitage ? D’origine française, Guillaume était d’abord soldat et l’érémitique avait suivi une vie plus légère. Pour marquer le sérieux de sa conversion, Guillaume se fit poser une armure ferrée, avec laquelle il fit en 1145 le pèlerinage à Rome et en terre sainte. A son retour il chercha, en vain, à réformer les communautés ermites de Toscane. Guillaume n’avait, à sa mort (+ 10. Februar 1157 ), que quelques disciples. L’un d’eux, Albertus, en trouva d’autres et leur donna une règle très stricte et les voua à la diaconie auprès des malades. L’ordre des «Guillemites» était né. C’est sous ce nom que les disciples se répandirent en Europe occidentale.
Le pape Grégoire IX assouplit la règle, leur permit de porter des sandales et leur donna la règle des bénédictins. Le pape Alexandre IV rassembla les ordres érémitiques dans celui des Augustins, les guillemites sauvegardèrent leur indépendance en se déplaçant vers le nord, la France, l’Allemagne, la Flandre. Avant d’arriver à Strasbourg, les wilhelmites avaient pris pied à Marienthal et Haguenau, plus tard à Fribourg.
Guillaume d’Aquitaine
C’est alors, sans doute, que les wilhelmites renoncèrent à leur fondateur et se rattachèrent à l’autre Guillaume, duc d’Aquitaine et neveu de Charles Martel. Né aux environs de 745, Guilhem est décédé le 28 mai (?) 812 à Gellone, devenu après lui St-Guilhem le Désert. Il y avait fondé une abbaye, après avoir servi sous Charlemagne (la tradition lui attribue la victoire sur les Sarrasins en 805, mais il semble que la fondation de l’abbaye soit antérieure à cette date - 804 !).
L’histoire des deux Guillaume semble se recouper par endroits, ils auraient fait, tous les deux, un pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle, et à Jérusalem, et se sont retirés dans une contrée sauvage. Le monastère de Saint-Guillaume dura jusqu’à la Réformation. L’église continua de servir à la “paroisse” des bateliers. Les fidèles se rassemblèrent dans la nef, tandis que le choeur était réservé aux moines. Le jubé, construit en 1485 marqua la séparation des deux ordres - il sera reculé en 1656 et, à nouveau, avancé en 1964 pour augmenter sensiblement la place accordée à la tribune à l’orgue, au choeur et à l’orchestre.
Les moines avaient la réputation d’être des travailleurs comme en témoigne l’inscription que l’on retrouve dans la sacristie : «si j’avais voulu travailler, je serai devenu moine de Saint-Guillaume»… Il semble cependant qu’au moment où les idées réformatrices arrivaient à Strasbourg, cette ardeur avait connu une certaine relâche. En 1524 les bateliers réclament un prédicateur évangélique. Le premier culte en langue vernaculaire (l’allemand) a lieu en 1534. Saint-Guillaume sera désormais une paroisse protestante.
Ernest Winstein